Belobi Méridjo décoré à titre posthume

Décédé à Liège en Belgique le 27 août 2020, Jean-Marie Belobi Ng’Ekerme, mieux connu par son nom de scène Méridjo (Machine ya Kauka, L’As, Elombe), a été inhumé à la Nécropole Entre terre et ciel le 15 octobre après les hommages mérités.

Fanfare et hymne national au Musée national de Kinshasa, absoutes à Notre-Dame du Congo, il a vraiment mérité de la nation, après l’implication personnelle du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi qui a décidé de rapatrier sa dépouille en RDC, terre de ses ancêtres. Pendant une cérémonie au Musée national de Kinshasa, une médaille d’or du mérité des Arts, sciences et lettres lui a été décernée à titre posthume pour la reconnaissance de son génie artistique et pour l’ensemble de son œuvre de haute facture.

Sa batterie change le destin de la musique

C’est un génie musical et il a fait preuve tout le long de sa carrière. C’est en effet en 1971 qu’il intègre le groupe Zaïko Langa-Langa, (le seul à intégrer le groupe sans test) comme batteur. Si Tabu Ley a introduit la batterie dans la rumba congolaise, avec Seskain Molenga, Méridjo lui a donné du rythme. C’est au cours d’un voyage, première production de Zaïko à l’étranger, sur la ligne de Chemin de fer Congo-Océan Brazzaville-Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville, que ses amis, dont Evoloko, Papa Wemba et Mbuta Mashakado le mettront au défi de reproduire les cliquetis des roues motrices du train lancé à vive allure. Ce rythme étant dans son sang, il prendra forme avec l’apport de Mwaka Oncle Bapius et Pépé Felly Manuaku, qui l’aideront à synchroniser la caisse claire d’abord à la guitare basse puis à la guitare solo. Et le bon tempo était trouvé ! L’étape de l’Hôtel ‘‘Hawaï’’ sur Bongolo, près Kauka où l’orchestre répète, est déterminant. Le test est fait avec le chef-d’œuvre d’Evoloko Mbeya-Mbeya.  C’est le ‘‘beat Cavacha’’ qu’Evoloko désigne comme ‘‘Machine ya Kauka’’ qui a inspiré tous les orchestres congolais, africains à l’instar du groupe ivoirien Magic System, de la diaspora noire des Antilles à l’image du mythique groupe zouk Kassav et plus loin au Japon dans l’orchestre d’Arata, formé dans Viva la Musica de Papa Wemba.

Méridjo, nom de scène donné par Papa Wemba, est donc, à n’en point douter, le père du Cavacha, cette cadence particulière de la batterie qui a façonné les contours de la rumba congolaise et qui a influencé de nombreux drummers. Il s’est donc employé à changer l’histoire de la musique congolaise.  ‘‘Machine ya Kauka’’ savait reproduire avec sa batterie entre autre les cliquetis sur rail dans Mbeya Mbeya d’Evoloko, clapotis de l’eau dans son opus Bolingo aveugle, les vrombissements des moteurs dans Crois-moi de N’yoka Longo et Baby de Bimi Ombale et la résonnance du trot de cheval dans Obi de Manuaku. Méridjo a aussi réussi à inscrire son nom dans le palmarès des meilleurs auteurs-compositeurs de Zaïko Langa-Langa. Son répertoire est des plus riches et des plus prestigieux. C’est sur Méridjo que Zaïko Langa-Langa comptait pour relancer le groupe chaque fois que le groupe s’empêtrait dans la léthargie du succès et de la monotonie. Machine à tubes, il a composé Elango songo, Nyongo ekeseni, Kwiti-Kwiti, Ben Betito, Ami Mamibo, Sangela, Mofiti, Bolingo aveugle, Matondo, 77 X 7, Dada (dans Libanko avec Gina wa Gina), Bokila et Camarade ya Mboka Kinshasa (dans l’album Etumba ya la vie) avec Zaïko Universel et j’en oublie des meilleurs. L’apport de Méridjo dans la rumba congolaise et dans l’orchestre Zaïko Langa-Langa, considéré comme la 3ème école de la rumba congolaise, est inestimable.

Un artiste, un père de sa grande famille 

Aîné de famille, Méridjo est né le 22 décembre 1952 à Kinshasa. Il est de la tribu Bangole, originaire de Mangaï, dans la Province du Kwilu. Après son école primaire à St Jean-Berchmans à Kauka et ses humanités à l’Ecole Technique de Makala, son père, un ingénieur mécanicien de l’ex-ONATRA l’envoie à l’ISTA avec en tête de le remplacer à sa retraite. Les études d’ingénieur ne le tentent pas car la pression de la musique monte dans ses veines. Basketteur du Basket Club ONATRA au côté de Mozin Mozingo qu’il retrouvera dans Zaïko, et membre des Xavériens en ses temps libres, Méridjo est à nouveau envoyé par ses parents, Eugène Belobi et Henriette Bende, en formation comme apprenti-mécanicien à l’Ecole de Formation de l’ONATRA jusqu’au jour où il se retrouvera au mauvais endroit à un mauvais moment. Il sera arrêté en 1974 et envoyé au bagne d’Ekafera, une île en plein milieu de la forêt équatoriale où il passera deux années et s’évadera grâce à ses relations sur place. Méridjo fut un père pour tous, dans la grande famille et conciliateur dans Zaïko Langa-Langa où on l’appelait à juste titre Mokonzi ya bakonzi, chef des chefs.

Après avoir quitté Zaïko après un conflit de droits d’auteur, il a travaillé à Liège dans l’administration publique de la ville jusqu’à sa retraite en 2017. Il laisse une veuve, Jacqueline Ayembe, et 8 enfants, des petits-enfants et des arrière-petits enfants. Sa disparition est considérée comme une perte incommensurable pour le monde de la culture et particulièrement celui de la musique, en RDC, mais également à travers le monde. Méridjo s’en est allé. Vive l’artiste !

Emmanuel Makila (correspondance particulière)

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