Les députés entre le marteau et l’enclume

Joseph Kabila a profité d’un bain de foule à Kolwezi, dans le Lualaba, où il s’est rendu après ses déboires avec la migration à l’aéroport international de N’djili, question d’oublier ses déboires à Kinshasa.

On s’attendait à une déclaration de choc en rapport avec la destitution de son joker Jeannine Mabunda Lioko, mais rien de pareil. Kabila n’est pas dupe. Il sait qu’il est surveillé comme du lait sur le feu et il doit peser tout ce qu’il déclare, car dans le présent contexte, une déclaration malencontreuse ou mal interprétée peut être retenue contre lui. Il a encore des combats à mener contre son ex-allié Félix Tshisekedi qui a le vent en poupe ces derniers temps, en rapport avec sa grande victoire pour arracher le perchoir de l’Assemblée nationale et son oral au Congrès. Kabila est conscient que le futur combat, mathématiquement impossible à perdre, est perdu d’avance. Il faut un sursaut de discipline de parti pour espérer une résistance. Mais il avait tellement habitué ses hommes au paiement après service, appelons le chat par son nom, à la corruption, qu’il n’ose plus le faire, déjà avec le cas Mabunda. Mais les députés FCC n’ont plus rien à perdre.

Entre le marteau et l’enclume

Les députés ont retenu la leçon : ou ils donnent une majorité, même factice, à Tshisekedi, ou ils rentrent demander un nouveau mandat auprès du peuple. Les députés FCC sont en route pour solliciter les suffrages des électeurs. Dans l’opinion, le FCC est la cause de leur malheur. Et Tshisekedi a réussi sa campagne : c’est le FCC qui lui met des crocs-en-jambe. ‘‘…, le Gouvernement de coalition … n’a pas été capable de répondre aux attentes et aux aspirations de notre peuple’’, a-t-il affirmé. Et de poursuivre : ‘‘Cette triste conclusion intervient après deux années d’efforts inlassables, de patience et d’abnégation pour préserver l’essentiel au sein de la coalition. Deux années de grâce qui n’auront malheureusement pas réussi à éviter une situation de crise persistante et de défiance inacceptable entre les institutions de la République dont je suis le seul garant Ainsi pour rendre effectives et concrétiser les réformes envisagées, la majorité parlementaire actuelle s’étant effritée, une nouvelle majorité est nécessaire. En conséquence, j’ai décidé de nommer un INFORMATEUR, conformément aux dispositions de l’article 78, alinéa 2, de la Constitution. Il sera chargé d’identifier une nouvelle coalition réunissant la majorité absolue des membres au sein de l’Assemblée Nationale … Au cas contraire, fort de ce que les raisons de dissolution sont réunies en ce qu’il existe effectivement une crise persistante, cristallisée notamment par le refus du parlement de soutenir certaines initiatives du Gouvernement, comme ce fut le cas lors de la prestation de serment des membres de la Cour Constitutionnelle, j’userai des prérogatives constitutionnelles qui me sont reconnues, pour revenir vers vous, peuple souverain, et vous demander cette majorité’’. Et dans son discours à la Nation, moins percutant que les discours antérieurs, Félix Tshisekedi a dit noir sur blanc qu’il en avait fini avec la coalition : Malgré toutes les concessions accordées au FCC avec humiliation, cela n’a pas suffi à faire fonctionner la coalition. Il fallait agir.  

C’est ici qu’il apparaît le gros risque pour les députés d’accepter de remettre leur siège en jeu, voire les perdre. Par ces temps qui courent, prendre un tel risque suppose de la folie. Le peuple auquel il faut recourir n’est plus dupe. Depuis 2006, la classe politique a été renouvelé à chaque élection. Plus de 80% des sièges à l’Assemblée nationale n’ont jamais été réoccupés par les mêmes députés. Mieux vaut tien que deux tu l’aura. L’expression est repassée mille fois dans l’esprit des députés.  

Ils veulent leur liberté

Dans la majorité, les voix s’élevaient pour fustiger le carcan dans lequel les députés étaient enfermés. Tout devrait venir de l’Autorité morale de Kingakati (comme on semblait faire croire) ou de la réflexion des bonzes du PPRD, parti présidentiel. ‘‘Voyez maintenant où nous a mené cette façon de faire’’, a conclu un député de FCC après la déchéance de Jeannine Mabunda. En outre, le PPRD raflait tout, dans les entreprises publiques ou dans les postes ministériels, se plaignaient ceux qui se sentaient comme de simples sous-fifres. Autant avoir une nouvelle majorité et porter l’image de Tshisekedi, en 2023, lequel prône le changement et faire bonne figure. En RDC, l’intérêt général n’existe pas. C’est le repositionnement qui compte.

Le même sort attend les sénateurs

Enfin, tout le monde l’a lu lundi 14 décembre au cours de la cérémonie au Congrès : Thambwe Mwamba n’a jamais été aussi docile et conciliant. Condescendant, le vieux imbu de lui-même craint cette fois que le sort de Mabunda lui soit appliqué. On se rappelle tout ce qui s’est passé et comment il s’est comporté face au président de la République et à certains sénateurs, notamment Bijou Goya Kitenge. L’affaire Goya, s’il en est vraiment une, avait fait grand bruit dans l’opinion publique autour du 16 mars 2020. Le président du Sénat, qui après être interpellé par la sénatrice pour des éclaircissements dans la passation de marché des travaux de transformation du Sénat et ses dépendances, avait affublé Bijou Goya de femme légère. Bien sûr qu’il y avait en amont une sordide affaire des secrets d’alcôve dévoilés par le même Thambwe Mwamba. Le tort de Bijou Goya est d’avoir osé destiner au jupitérien président du Sénat une question écrite sur les travaux de rénovation du Sénat dont le coût est évalué à 4 millions de dollars US, selon nos sources alors que d’autres parlent de 11. C’est une volée de bois verts qui s’est abattue sur elle, en direct de la RTNC, télévision “publique”, et sur une nuée d’autres médias mis à contribution par le réalisateur Thambwe lui-même. Usant, voire abusant de son pouvoir de marteau du Sénat, Alexis Thambwe a laissé aller son arrogante colère jusqu’aux bords de l’insulte, par moult insinuations sur “la moralité” (sic) de la dame. Curieusement, la réaction des femmes du PPRD n’était pas à la hauteur du crime. Sous les apparences affichées d’un honnête homme (ce que très peu pensent de lui d’ailleurs), l’impatient “dauphin constitutionnel” n’en peut plus de ronger son frein. Et puis après avoir versé sa bile sur la pauvre sénatrice, les réseaux sociaux s’emballent sur l’identité de la fameuse entreprise. Sogedi Sasuserait le nom de celle-ci. Avec son capital de USD 2 500 (deux mille cinq cent, pour aider à bien lire), elle n’aurait été créée qu’en août 2019 et appartiendrait selon les réseaux sociaux, à la famille Thambwe Mwamba. De là à comprendre la colère d’ATM face à la témérité d’une sénatrice, issue des rangs de l’AFDC-A de Modeste Bahati, celui-là même qui avait failli lui faire perdre le perchoir du Sénat !

A en croire certains analystes, Tshisekedi ferait un travail complet s’il se déleste de Thambwe. Qui dit Thambwe dit sénateurs et Assemblées provinciales. Mais ce sera lourd d’embrayer une telle machine que de faire sauter le fusible désigné : Thambwe Mwamba.

Ali Kam

Une réponse

  1. Belle analyse,vous avez bien brossé le tableau de la situation politique actuelle de la RDC…
    Perso,je dirai que ATM est la dernière carte surprise de la Kabilie donc il va falloir vite le mettre hors-jeu… l’axe du mal (FCC) serait prêt à tout…

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